LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema

La Loi de la Jungle – Absurde intelligent

Rencontre avec Antonin Peretjatko et Pascal Légitimus dans la canopée de Confluence. De la jungle urbaine à La Loi de La Jungle, il n’y a qu’un pas à franchir et pas des moindres, celui de la comédie ambitieuse totalement barrée et absurde. Réflexions sur le rire en compagnie de l’un des Inconnus Français les plus célèbres et du réalisateur grenoblois de La Fille du 14 juillet*.

legitimus iamnotablog lyon loidelajungle
Du connu à l’inconnu : Pascal Legitimus et Antonin Peretjatko – Novotel Confluence – 07 juin 2016

C’est facile aujourd’hui de faire un film à la fois burlesque et absurde ? On a l’impression que les réalisateurs contemporains sont plutôt frileux avec ce style cinématographique à la gloire passée ?

AP : Oui, effectivement. Je pense que c’est surtout quelque chose de l’ordre de la timidité ou de l’autocensure parfois. C’est assez difficile de faire des gags visuels parce que les scénarios sont financés par des lecteurs, donc il s’agit d’écrire quelque chose de visuel comme si vous deviez décrire une peinture que vous allez faire. Et la difficulté quand vous faites un gag comique, burlesque, ce n’est pas une science exacte : on ne sait pas à l’avance si cela fonctionne. Le problème, c’est que si c’est un nœud scénaristique du film et que c’est raté, on prend le truc, on le met à la poubelle et on ne comprend plus rien au film. Donc il faut le retourner et ça peut avoir un impact sur le budget du film.

PL : Nous les Inconnus on a eu le même problème pour des sketchs. Si je dis « Hé Manu tu descends » moi ça me fait pas rire. Si je le lis, ça me fait pas rire du tout. Après, il faut incarner les personnages, souvent l’humour vient des personnages.

LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema - legitimus
Pascal Legitimus

Est-ce que vous trouvez que c’est dur de faire rire les gens ?

PL : Oui, c’est difficile de faire rire les gens. Aujourd’hui moins, car ils sont tellement mal qu’ils ont besoin de rire. C’est un besoin vital.

On ne fait pas rire avec du bonheur, plus le monde va mal, plus on aura besoin de clowns.

AP : L’humour, ce qui est particulier avec, c’est que si tout le monde en a, ce n’est pas forcément le même. Donc quand on fait un film, il va y avoir un éclectisme dans l’humour pour, si possible, ne pas exclure certaines personnes plus sensibles. C’est sans concession pour le spectateur, c’est à dire que si le spectateur ne rit pas, non seulement, il ne rit pas, mais en plus il est en colère. Non seulement il y a cet effet là, mais si en plus cet une comédie qui parle du monde d’aujourd’hui, et qui n’est pas drôle, les gens ne le verront pas que ça parle du monde d’aujourd’hui : ça ne les intéresse plus, ils ne verront pas le message, ils ne verront qu’un film raté.

LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema

Et comment voyez vous la situation du cinéma absurde, en France comme à l’étranger ? Depuis quelques années, on a vu une hausse du nombre de ce genre de films en France, notamment avec l’émergence de Quentin Dupieux.

AP : Oui c’est vrai, on l’a aussi vu chez Michel Gondry un petit peu, et même avec Hazanavicus (OSS 117) ça relève du comique de l’absurde aussi. Donc effectivement, on dirait qu’il y a un revival. Après à l’étranger je ne sais pas trop, mais il y a les films de Judd Apatow (réalisateur de Supergrave, Mes meilleures amies, 40 toujours puceau… ndlr), je suis toujours content de les voir.

PL : C’est très anglo-saxon l’humour absurde. En France ça ne marche pas trop en général, si on est pas ancré dans une réalité. Si un film est absurde dans une réalité ça va, mais s’il est absurde gratuitement sans situation, le cerveau des Français décroche.

AP : Ce qui est particulier avec la comédie c’est que c’est un genre qui fonctionne dans tous les pays mais qui s’exporte très difficilement.

PL : Parce que c’est référencé.

AP : Mais c’est vrai que les américains réussissent à l’exporter, parce qu’ils sont très forts ! (rires)

PL : Ça c’est la langue. Mais c’est vrai qu’un humour japonais ou Chinois c’est pas pareil. J’ai essayé de faire rire des Japonais, j’y suis arrivé mais je les ai observés pour essayer d’assimiler la culture. C’est basé sur des références.

LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema

Est-ce que vous avez été vous même stagiaire pendant longtemps ?

AP : Non, j’avais été stagiaire sur une série télé qui s’appelait Largo Winch réalisé en 2000.Il y avait un truc qui s’appelait les combos, c’était un petit moniteur télé et à l’époque il fallait encore rejoindre le fil aux caméras, c’était une horreur, ça faisait des plats de spaghettis après, et tout était sur roulette. C’était difficile, on est au bas de l’échelle, on est pas forcément bien considéré.

PL : Ça forme la jeunesse…

AP : Oui voilà, c’est vrai, mais du coup sur mes films il n’y a pas de combos, il y a un petit retour vidéo accroché à la caméra, mais c’est tout.

PL : C’est pour ça qu’à la cantine il n’y a pas de spaghettis non plus. (ahahahahaha, merci Pascal)

LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema

Concernant le personnage de Tarzan, pourquoi l’avoir fait comme ça ? Avec cette cigarette à la bouche ?

AP : J’avais envie d’une sorte de Calamity Jane sexy, qui sache tout faire. Je voulais un personnage moteur qui soit le personnage courageux du film, qui prenne tout les clichés à l’envers, qui un coup est sexy, mais qui sait se bagarrer. Elle a une seule faiblesse c’est qu’elle ne sait pas nager. Après c’est Vimala Pons (l’interprète de Tarzan ndlr) qui m’a dit « Tiens tu voudrais pas qu’elle ait un couteau ? « 

Je lui ai dit que ça pourrait être chouette et elle m’a dit « Ok, je vais m’entraîner au couteau ».

J’avais envie d’une clope aussi parce que déjà, ça donne une contenance, et il y a un côte un petit peu sale gosse. Et comme aujourd’hui c’est un petit peu mal vu de montrer un personnage qui fume dans un film, je me suis dit « On s’en fout, on le fait ! ». Il y a aussi le chapeau qui, tout de suite, donne une contenance à un personnage. On le voit arriver on se dit « Ah ! Qu’est ce que c’est que ça ? »

LOIDELAJUNGLE - iamnotablog - cinema

Et le personnage de Vincent (Macaigne) qui se déride pendant le film, c’est une leçon ?

AP : Je sais pas, c’est vrai qu’il évolue, il cherche quelque chose et il en trouve une autre. Il cherche à normaliser quelque chose, et c’est lui qui va se dénormaliser en trouvant l’amour.

Et ça, c’est vraiment de l’absurde intelligent.


Synopsis : Marc Châtaigne, stagiaire au Ministère de la Norme, est envoyé en Guyane pour la mise aux normes européennes du chantier GUYANEIGE : première piste de ski indoor d’Amazonie destinée à relancer le tourisme en Guyane. De mésaventure en mésaventure, on lui affuble un coéquipier. Pas de chance c’est une pin-up. Pire : elle a du caractère.

Un film d’ Antonin Peretjatko, avec Vincent Macaigne, Vimala Pons, Pascal Légitimus et Mathieu Amalric, en salle le 15 juin 2016.

Tournage du 20 juillet au 28 août 2015 en Guyane et du 02 au 08 septembre 2015 en Ile-de France.
Sortie en salle le 15 Juin 2016. (
Crédits photos du film : 2015 , RECTANGLE PRODUCTIONS – FRANCE 3 CINEMA – ORANGE STUDIO – SCOPE PICTURES – IMAV EDITIONS)

*road movie hilarant et décapant présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du festival de Cannes 2012, à redécouvrir par la même occasion.

Entretien réalisé au Novotel Lyon Confluence avec l’aide de mon stagiaire cinéphile Gaëtan Penancier.

Séverine Eberhardt.

Laisser un commentaire