Rencontre avec Charlotte Le Bon qui joue le rôle d’Iris, personnage fascinant, insaisissable et mystérieux, dans l’oeil de la caméra de Jalil Lespert. Un thriller sulfureux et ambitieux où Romain Duris excelle en héros terrien, avec un côté rustre qui forcément, ne laissera personne aveugle devant tant de beauté.
Le point de départ de ce film ?
JL : J’ai lu un scénario en 2011, qui m’a plu, un film qui au dernier moment, ne s’est pas fait aux USA. On a pu récupérer les droits et en faire une adaptation française. C’est un film à twist : j’avais envie de faire un thriller depuis un moment avec une structure ambitieuse, une atmosphère originale. C’est aussi l’adaptation d’un film japonais (Chaos réalisé par Hideo Nakata), un film de genre particulier.
Par rapport au film original ?
JL : Le scénario en est très éloigné. Finalement je l’ai vu pendant la préparation de mon film et cela m’a soulagé c’était différent.
Le côté « lutte des classes », vous pouvez nous en parler ?
Evidemment, cela donnait une dynamique au sujet. Pour moi, le film de genre, c’est s’affranchir d’un certain réalisme. Je n’avais pas d’autres ambitions que de créer un monde à part comme un sorte de petit train fantôme. Si on accepte de prendre son ticket, de se laisser porter par le film, on peut passer un moment avec ces personnages.
L’histoire d’un type sur le papier plus faible, manipulé qui va avoir sa revanche, ça, ça me plaisait.
Charlotte, qu’est ce qui vous a fait accepter le rôle ?
CL : Tout d’abord, j’avais refusé, le rôle me faisait peur. Je suis quelqu’un de très très pudique… et puis je connais la méthode de travail de Jalil ! (rires) Puis, je me suis préparée : 2 semaines de surf avant pour préparer le corps. Il ne faut avoir aucune forme de regard sur soi, être en confiance avec ce qu’on a à proposer physiquement. J’ai beaucoup travaillé avec une spécialiste du sexe, avec des psychologues, des couples. Absolument aucun tabou.
J’ai assisté à des séanches dominant/dominé, j’ai appris comment tenir des objets, démystifier ce petit monde où il y a beaucoup de clichés.
Jalil, l’idée de départ, c’est aussi d’explorer la nuit ?
JL : Absolument. Ce côté japonisant, bondage, ce rapport ambigu, donnait un aspect noir et sulfureux assez intéressant au scénario.
Et ce décor parisien ?
JL : On a une ville qui est difficile à filmer. Paris en terme de lumière, c’est une pierre blanche magnifique et déstabilisante. Faire un film dans la plus belle ville du monde ? Je suis un peu gourmand de nature, j’aime bien profiter de ce que j’ai.
Paris la nuit, avec sa lumiere tungstène, cela rend la ville assez chaude en fait.
Charlotte, vous aimez votre côté dark ?
CL : ça ne fait pas si longtemps que ça que j’ai commencé ma carrière d’actrice (5ans, 15 films). J’avais besoin de faire plusieurs choses. Les gens aiment mettre des étiquettes et très vite j’étais catalogué « jeune fille pétillante, rigolote et gentille ». Ça m’emmerde. Toucher à ça me faisait envie depuis très longtemps. Incarner une femme sulfureuse toute en séduction me faisait peur, car très éloignée de moi, mais en fait c’est ça qui est intéressant.
Des limites que vous n’avez pas pu franchir ?
CL : Jalil et moi on s’est battus énormément sur ma pudeur. Je tenais absolument à ne pas me montrer nue, je ne voulais pas montrer ma poitrine, mon sexe. Je voulais rester malgré tout très habillée dans ce rôle d’icône de sensualité et de sexualité en ne me montrant jamais. Je n’aurais pas pu faire autrement.
JL : c’est une limite plutôt agréable. A tout dévoiler, ça aurait été un peu facile. Les limites franchies par Charlotte, c’est d’assumer cette facilité à séduire et à être fière. Elle s’impose dans le jeu, elle avance comme masquée, elle prend une dimension tout autre comme actrice.
Et la première fois dans votre tenue de maîtresse ?
CL : On a fait beaucoup de blagues. On a essayé beaucoup de trucs. Tant que je ne suis pas sur le décor en conditions, avec la caméra, je n’arrivais pas trop à avoir un réel regard sur moi, je ne voulais pas trop y penser. Je laissais prendre les décisions par les gens autour de moi, le regard de Jalil plus précis que le mien et aussi la directrice artistique.
Peu importe la façon dont j’étais habillée, il fallait que je me sente habillée.
C’est plus facile le noeud de cravate ou le noeud SM ?
CL : Le noeud SM vous n’avez même pas idée comme c’est complexe. C’est un art !
Jalil, comment avez-vous fait pour convaincre Charlotte ?
JL : J’avais vu un film d’animations (Vice Versa) où elle fait une voix. Moi, je lui ai parlé de Romy Schneider dans le film avec Piccoli (Max et les ferrailleurs). le scénario est cru, mais je savais que j’avais envie de filmer ça autrement. Travailler sur ces scènes, être suffisamment préparé sans trahir le sujet, sans l’éviter. j’avais envie d’en faire quelque chose d’assez beau. Pour moi, il y avait de l’amour entre eux, c’était important qu’il y ait de l’empathie entre ces 3 personnages. D’ailleurs au départ je n’avais pas pensé jouer l’un d’eux… Jouer face à Romain Duris, c’est exceptionnel. Son désir de partager l’affiche, sa confiance, son instinct m’a fait basculé dans ce choix. Cela me permettait de dire à mes acteurs, allez, on y va.
L’histoire. Antoine Doriot, un richissime banquier, déjeune avec Iris, son épouse, dans un grand restaurant. Alors qu’il est en train de régler la note, la jeune femme l’attend à l’extérieur. Quand Antoine sort, elle n’est plus là. Quelques heures plus tard, il reçoit un coup de fil lui disant que sa femme a été enlevée. Le kidnappeur, Marc Lopez, lui demande une rançon de 500 000 euros. En fait c’est un coup monté par Iris. Pendant ce temps, le captaine Nathalie Vasseur et son partenaire le Capitaine Malek Ziani mènent leur enquête. Ils finissent par suspecter Marc, divorcé et père de famille qui doit de l’argent à la banque de Doriot…
Iris, de Jalil Lespert Avec Romain Duris, Charlotte Le Bon, Jalil Lespert et Camille Cottin / En salles le 16 novembre 2016.
Séverine Eberhardt