Déjeuner chez Guy Lassausaie un lundi d’hiver vous réchauffe le coeur tel un soleil d’été. Quand la grande maison de champagne Veuve Clicquot vient illuminer la table de ses millésimes chauds et ensoleillés, c’est la promesse assurée d’un déjeuner chic et audacieux le temps d’une escapade à Chasselay, à quelques encablures au nord de Lyon.
Une fois franchie la façade ocre aux volets bleu lavande, les convives triés sur le volet arrivent un à un, déjà conquis par le délicieux accueil de Madame Lassausaie et le sourire inaltérable du chef, heureux de nous recevoir dans un premier salon pour l’apéritif. J’en profite pour saluer d’une oeillade furtive les tableaux fascinants de Jean Fusaro, témoins bienveillants de nos agapes. Sur les murs fourmille un monde enchanté de lignes raffinées et de couleurs exquises : Venise défile, Paris s’anime, mon esprit s’échappe dans la réalité de ces toiles… Assez de rêveries ! Il est temps de faire connaissance avec Philippe Thieffry, ingénieur agronome et oenologue chez Veuve Clicquot et d’en savoir un peu plus sur la fameuse dame.
A seulement 27 ans, Madame Barbe Nicole Clicquot Ponsardin prend les rênes de l’entreprise familiale à la mort de son mari en 1805. L’histoire de cette maison de champagne fondée en 1772 ? C’est surtout celle d’une femme, oui une femme, courageuse, exigeante et coriace – vous me direz, elle a survécu à son mari – bravant les aléas climatiques et le contexte géopolitique trouble de l’époque. Elle n’a qu’une ambition : exiger toujours « une seule qualité, la toute première ». Une sacré nana Nicole !
Je commence à bien l’aimer cette histoire tandis qu’on me sert une première coupe, que dis-je, une large piscine de champagne avec… de délicates tranches extra-fines de concombre ! Réticente et à la fois intriguée, je pense à Barbe Clicquot qui a révolutionné le champagne en son temps : il faut goûter ! Et si ce cocktail allait révolutionner la consommation du champagne ? Rich est effectivement un nouveau champagne avec une plus grande sucrosité, spécialement créé pour la mixologie afin d’expérimenter de nouvelles saveurs. Ananas, concombre ou poivron se marient à souhait contre toute attente grâce à la sucrosité élevée de ce Rich et beaucoup de glaçons : bref, de quoi révolutionner nos habitudes de frenchy. Gageons que ce cocktail Veuve Clicquot Rich Concombre fera fureur lors des prochaines pool party aux quatre coins du monde.
Dans l’attente d’un été lointain, je me réfugie derrière les pianos de Guy Lassausaie meilleur ouvrier de France grâce aux bulles frémissantes d’une mousse abondante et fine, celles du Brut Carte Jaune, reflet solaire du vignoble au nez puissant et agréable. Ce vin m’offre une compagnie franche et dynamique pour aller me faufiler en cuisine le temps de l’apéritif. En plein coup de feu, l’orchestre est en place, la brigade joue à la perfection une symphonie alléchante aux rythmes des casseroles de cuivre et des portes de four qui laissent s’échapper une nuage de vapeur prometteur et des fumets envoûtants.
Mon coeur vacille à chaque poêlée, le chant du beurre noisette me berce, j’assiste à la naissance de nouvelles portées délicieuses, impatiente de voir rissoler, dorer et cajoler des produits d’exception : noix de Saint-Jacques, bar de ligne, caviar, perdreau, trompettes des morts… Confidence pour confidence, je dois vous avouer que le calme qui règne dans la cuisine de Guy m’apaise et me fascine, chacun ayant sa place rigoureusement définie, accomplissant sa tâche avec précision, guidé par un chef d’orchestre serein.
Après avoir dégusté une Gillardeau derrière les fourneaux, je me dois de rejoindre les convives de ce déjeuner, dans un des petits salons contemporains de la maison. Surtout ne pas faire attendre la Grande Dame 2006 qui accompagne le Biscuit et noix de Saint Jacques cuites au beurre noisette, purée de potimarron au pain d’épices, jus à l’encre de seiche. Ce champagne est un assemblage exclusif de 8 grands crus historiques : Aÿ, Bouzy, Ambonnay, Verzy, Verzenay, pour le Pinot Noir (53%) et Avize, Oger, Le Mesnil sur ogre pour le Chardonnay (47%). Dégustation émouvante, l’oenologue dirait qu’il y a beaucoup de chair et de matière en bouche et une minéralité qui participe à la longueur. Je dirai que c’est un précieux cadeau de la vigne, exaltant sans complexe mes sens.
Passons à la Cuvée Vintage 2004, dédiée à la table, avec une prédominance de Pinot Noir. 2004 était une année sur l’équilibre, avec des conditions climatiques exceptionnelles en septembre pour livrer des vendanges impeccables du 23 septembre au 13 octobre. Clin d’oeil de l’histoire, cette cuvée fait écho à celle de 1904 abondante et exceptionnelle en ce début du XIXème siècle.
C’est du vin avant d’être du champagne.
Le temps a travaillé en faveur de ce vin et livre de grands accords autour de la table, autour du Filet de Bar de ligne, galette de seigle au caviar, fine purée d’artichaut.
Persistons sur ces envolées lyriques avec un Filet de perdreau rôti, ses abattis, châtaignes et cuisses en pastille, purée de coing acidulée, trompettes des morts, jus relevé au poivre long, accompagné d’un Vintage Rosé 2004 dont les notes élégantes révèlent des arômes de fruits rouges croquants alors que des notes plus pâtissières se dévoilent peu à peu.
At last, but not least, enfin vous l’avez compris le meilleur pour la fin, un magnum de Cave Privée 1989 avec le dessert : Fruits d’automne des Monts du Lyonnais, figues et poires pochées à la cannelle, glace vanille. 1989, année de générosité, de gourmandise, assez bluffante en terme de fraîcheur. La craie parle, un vin adolescent hors du temps, un grand vin de collection au faible dosage de sucre (à peine 3g) pour livrer un bel équilibre.
Si jamais vous avez un doute quant à la différence entre le vieillissement en bouteille et en magnum, ce millésime en est la preuve. Le vin est ici rajeuni, impossible de détacher mes yeux de l’étiquette, il s’agit bel et bien d’un voyage dans le temps !
Je me laisse aller une fois de plus à la cuisine du talentueux Guy Lassausaie, telle une passerelle immuable d’un passé toujours tourné vers un avenir, le coeur léger.
Séverine Eberhardt.
Remerciements à Monsieur et Madame Lassausaie pour leurs générosité et disponibilité, à la maison Veuve Clicquot et à mes voisins de table pour leur joie de vivre en toute simplicité.
Restaurant Guy Lassausaie, 1 Rue de Belle-Sise, 69380 Chasselay 04 78 47 62 59 www.guy-lassausaie.com ouvert jeudi, vendredi, samedi, dimanche, lundi. (25km de Lyon)
Un article pétillant qui donne envie de buller avec la veuve….